| Extraits de ABSENCE d'ETE sorti en 2006 Noël,
Dedans nos cœurs de pierre l’espérance a gelé, Rien ne nous émeut plus, tout fuit, tout passe, tout glisse, On ne voit rien venir quand paraît le solstice, La force et la faiblesse et les deux sangs mêlés. Pourtant la graine se lève sous le sol craquelé, Déjà elle contient la feuille et le calice, La mangeoire est du bois de la croix rédemptrice, Qui vient ouvrir les cœurs que la nuit a scellés.
L’étoile a resplendi, l’obscurité s’efface, La myrrhe, l’or, et l’encens illuminent les faces Des tout-petits enfants qui eux encore ont faim
De vie, d’amour, de paix, du vrai sel de la terre. Ils vont avec les anges, sensibles aux parfums, Leur faiblesse est la force qui protège les mères.
Noël de tous les temps,
Décembre en grands festons de deuils et de corbeaux, Pulvérise le ciel de vapeurs océanes, Et pénètre la terre jusques au cœur des mânes, Il nous voile bientôt d’un bien triste halo.. Sur le pavé luisant clignote le badaud, Dans les baraques fleurit la pâle cellophane, Où s’étiolent un enfant, un bœuf et puis un âne, Le long de la grand’rue dégueulant de cadeaux.
Il m’en souvient alors d’une grande lumière, Dont me parlait ma mère le soir dans la prière, Jetée là sur le sol et si haut dans le ciel,
Mystère de pauvreté et brillant paradoxe, La mort souffle la vie, du sang jaillit le miel, Et le sombre solstice nous promet l’équinoxe. Une si douce brûlure
Il est de ces instants qui résument le monde, De ces journées magiques dévoilant trois saisons, Plus rien ne semble avoir ni rime ni raison, Printemps, automne, été, sont entrés dans la ronde.
Sur ton visage aussi toutes couleurs abondent, Le vert de ton printemps lorsque nous nous taisons, Le roux de ton automne, nuançant ta maison, L’or brillant d’un été où nul orage ne gronde.
Dès que l’éclat solaire entre dans ta palette, Ma douleur se fait vive, la nostalgie me guette. Je crève de n’avoir pas connu ton plein soleil.
J’aurai volé sa force, pour soigner ma faiblesse Aussi haut de l’aurore jusqu’à ton doux sommeil, J’en aurai ressenti la chaleur des caresses.
Cœur frileux au Glacis
Au Glacis chatoyant je ne suis pas venu Célébrer de Juillet l’aimable parenthèse. Adieu : chianti, grappa, adieu : propos et thèses ! L’ivresse au bout des doigts d’être encor inconnus.
Ma main tenant ta main, guirlandes au long des rues, Noël en plein été qui nous emplissait d’aise : Mon coeur fallait-il donc que toujours tu te taises ? Jamais je ne verrai vibrer ta gorge nue.
Luxembourg, notre luxe du haut de l’esplanade, Où tes yeux malicieux étaient prêts à l’oeillade, Je n’ai pu y venir rallumer des sarments.
Les éteindre à nouveau m’aurait paru trop lourd. Et mon coeur trop frileux ne peut faire de serments, Car il veut tenir ceux de ceux de son premier amour.
Croissant de lune,
Te rappelles-tu du jour où nous fûmes transparent ? Le reste de la terre devait être en vacances, Pour nous laisser en paix au creux de l’innocence. Nous étions ce jour là de bienheureux errants !
Je me souviens pourtant d’un petit restaurant, Dont nous avions chargé le seuils de nos béances, Pour le franchir légers et tout plein d’insouciance. J’avais l’éternité pour moi en te serrant.
Un lieu ? Un bourg, peut-être même une ville, La magie de l’amour nous faisait don d’une île, Et d’une journée- bulle hors du calendrier !
La parenthèse ouverte, nous étions vraiment libres Fallait-il donc tremper la plume dans l’encrier, Pour fermer le croissant et que le monde vibre.
Inclinaison
Sur la Place Ducale, au café « le Mantoue », Un soleil d’agonie jette des roseurs de Sienne Et le venin d’amour dans mon cœur fait des siennes De tes lèvres suaves connaîtrai-je le goût ?
Aux fontaines de Rome j’avais jeté trois sous Et fait le vœu naïf que tu sois enfin mienne. La bouche de vérité m’a dit quoiqu’il advienne, Ou tu seras à elle, ou tu deviendras fou.
Ou donc est ce Septembre, qui te voyait si près ? Les voiles se sont noircies à l’encre des cyprès. J’ai rêvé l’Italie, suivi en italique,
Le doux plein de ta hanche Ô mon inclinaison, Le délié de ta nuque et ton regard oblique, Mais j’ai bu l’encrier bien plus que de raison.
La belle et le poète
L’éclatant couperet d’une lune émaciée A fait saigner mon cœur et m’a couvert de parme, Pauvre nuit en lambeaux tes étoiles sont des larmes, Roulant aux commissures d’un sourire grimacier.
Cette lune était femme et son accent d’acier, Mais sa blondeur diffuse, mais son rire, mais son charme A découvert l’enfant, a déposé mes armes Au soleil de Lorraine, il n’est point de glacier.
Et moi qui me languis tout en sculptant des rimes, Je m’échine sans fin sur le dos bleu des cimes. Rien à offrir vraiment que de l’inachevé.
Nul parfait au café, que des liqueurs impures, Un peu de poudre aux yeux et puis quelques dorures. Sûr, sa vie est ailleurs en quelques lieu rêvé.
Les flûtes de confidences
Dans les bulles de champagne, des images sont blotties, Ces souvenirs chéris sont des pendules sous globe, Un amour de cabane, l’imprimé d’une robe, Les bulles crèvent en surface et libèrent des génies.
Celui-ci grand benêt, Roberto ou Giani, Qui se croit bien savant en mordillant ton lobe. Cet autre en sait des mots, charmée toi tu les gobes. Les Tibre et les Arno descendent du ciel ici.
Aujourd’hui comme hier, ton sourire s’illumine, Les doigts fins de la pluie, très nerveux tambourinent. Et traces sur la vitre les lettres d’un prénom,
Celui que tes amants fascinés par ton charme, Pleuraient au fond des vaux, criaient en haut des monts, Et nous choquons nos verres, où perlent quelques larmes
L’intemporelle
Non le poète, mon ange, n’a pas toujours raison, Qui croyait que deux aubes ne voit pas la même rose, Je parle de Ronsard et non point d’Aragon, Sur toi bel avenir toujours mes yeux se posent.
Les printemps aux printemps ajoutent des saisons Mais sur ton doux visage, c’est là étrange chose, Ne trouvent aucun repos, s’en viennent et puis s’en vont, Par delà les hauts murs où ta beauté est close.
Le temps n’a pas mon ange la politesse des rois, Tous ses beaux rendez-vous, il les manque avec toi, Si tu n’es de la terre, Vénus est ton étoile,
Qui donna sa lumière accrochée à ce teint, Que lors aucun nuage n’assombrit de son voile, Pour le plus grand bonheur de ton berger lointain.
« Little Italy » de Lorraine
Elle sait là une église tout au bout de la pluie, Dont l’étrave sanguine fendit tôt l’onde verte, D’un jeune blé en herbe, puis est restée inerte, Sous les pleurs de ce ciel, bien loin de l’Italie.
New York 5, Avenue, pour faire rêver sa vie, Pourtant on reste ici, dans l’effroi de l’alerte, Qui au pays minier vous prévient d’une perte, Adieu bel Atlantique, c’est là qu’on se marie.
Le souvenir brumeux d’un certain lovelace, Jadis près de l’autel, rend là sa beauté lasse, Dans l’église- vaisseau forgée de mille soleils,
Que des hommes ont fondus du côté de Redange, Puis son sourire revient, à nul autre pareil, Dans la nef éternelle, cette femme est un ange.
L‘oiseleur indécis
Que disait donc l’oiseau perché sur les remparts ? Un oiseau ne dit mot ! Mis cet oiseau m’inspire, I avait pris ta voix, ce petit oiseau- lyre. Que disait donc l’oiseau facétieux et bavard ?
Facétieux et bavard est-il vraiment moqueur ? A petits coups de bec et de talon aiguille, L’oiseau- femme a planté ses douces banderilles, Cet oiseau-là, ma Muse, est un oiseau « mot- cœur »
L’oiseau blond a di ni, l’oiseau blond a dit na, Mes yeux fous vagabondent le long des bas - couture, La rivière indolente paresse dans la fracture Du rocher où l’oiseau a susurré Nina.
Sur le ton du danger, sur le ton du bonheur, Liberté de l’amour, geôle des bas –résille Il déclinait des gammes et déployait des trilles Au bord des précipices, Dieu que j’aime la peur.
Tout à coup l’oiseau dit : « je ne vois pas ta cage » C’est alors qu’il ouvrit ses deux immenses ailes, Des ailes immaculées d’éternelle demoiselle, Me laissant à ma peine, me laissant à ma rage.
Regrets,
Un subtil parfum d’ange, dans l’espace aérien, Un imper argenté, une voix argentine, Un tailleur croisé rouge, une démarche divine, Voilà ce que j’aimais une somme de riens.
Au bord du millénaire, toi femme et moi vaurien, N’étions pas des montagnes, du moins je l’imagine, Qu’était-ce donc que cela ? Une rencontre mutine, Ou la brûlure aiguë du désert saharien ?
Fils, amant ? Je ne sais mais chérissais tes rides, Une bouche évitée et me voici livide ; J’aurais dû allumer des feux et des brasiers,
A mon corps défendant, n’ai pas rendu les armes, Et laissé là les roses faner sur les rosiers. Sur ton corps défendu, j’ai versé bien des larmes !
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